Les "Grés à Helix de Ville" du sahel d'Alger.
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Phil-Helix
Guy-gerard
babouche
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Les "Grés à Helix de Ville" du sahel d'Alger.
Ven 11 Nov 2016 - 15:17
Salut tout le monde.
Je vous propose une balade avec un sujet qui met en relation les gastéropodes terrestres et la géologie du quaternaire.
Méthode : repérage du site, photos et lectures de document. En parcourant les anciennes publications (comme celles de Ville, Mares, Bourjot, Lamothe…), sur la géologie du sahel d’Alger et ses environs, il y’a une formation géologique quaternaire qui revient assez souvent au nom caractéristique : « grès à Hélix de Ville ».
D’après mes quelques lectures il s’agit de Grès d’origine éolienne ou sub aérienne qui correspondent à d’anciennes dunes quaternaires (pléistocène, q3cD) consolidées en grès parfois friables mais parfois aussi très dures au point que les romains s’en servait comme pierre à bâtir (exemple des carrières romaines, ruines de Tipaza). Ces grès, dunes de plages consolidées, contiennent en certains endroits une grande quantité de coquilles fossiles de gastropodes terrestres surtout des Hélix. Ces derniers existent toujours à l’époque actuelle. Il y’a aussi des grés sans Hélix. On peut parfois trouver des coquilles marines incluses dans ces grès surtout à la partie inférieure mais cela ne remet pas en cause l’origine éolienne de ces grès à Hélix d’après les géologues.
Cette formation géologique se trouve à des altitudes variables sur le sahel jusqu’à 100m et qui s’est constituée au fur et à mesure du retrait de la mer au Quaternaire. On peut l’observer le long de la côte algérienne et tunisienne et sur le pourtour de la méditerranée. Elle est souvent recouverte par une autre formation plus récente caractéristique continentale, alluviale, faite de sable argileux rouge qui peut contenir des Hélix mais jamais de coquilles marines : « le diluvium rouge. »
On a découvert dans ces grès des os fossiles d’éléphant ainsi que des restes de l’industrie lithique de l’homme.
J’ai repéré, pendant les vacances d’été, à Bou Haroune, à l’ouest d’Alger, juste en bordure de l’ancienne route qui suit la côte, des formations gréseuses stratifiées jaunâtres contenant des coquilles fossiles d’Hélix et qui correspondent à la description des grés à hélix. L’épaisseur de ces grès à cet endroit fait peut-être 60 mètres et on voit ces grès à Helix plonger vers la mer. Ces dunes consolidées à Helix se sont donc déposées à une époque ou le niveau de la mer était en retrait par rapport au niveau actuel. Les coquilles sont visibles dans certaines parties de la paroi de grès, d’autres parties en sont dépourvues. Parfois elles sont disposées en lits suivant la stratification, en générale oblique. L’érosion a fortement attaqué ces grès créant des cavités. Le sable qui provient de leur désagrégation s’accumule aussi bien dans les anfractuosités qu’en bas de la paroi. Bien entendu, j’ai vérifié sur la paroi que les coquilles sont bien fossiles, c’est-à-dire incluses dans les grès, et non pas des coquilles actuelles vivantes qui passent l’été accolées sur ces grès à coté de leurs lointaines cousines !
Quelques extraits : In Pouget : Agrologie du sahel, 1930 :
« Durant les diverses phases du Pliocène récent et du Pléistocène, le rivage maritime se rapproche du rivage actuel, par une suite d'abaissements graduels du niveau de base, donnant lieu à une succession de terrasses échelonnées en gradins. A chacune des phases du retrait, au nombre de cinq, correspondent des formations de dunes plus ou moins consolidées en grès à hélix. En même temps s'accumulent des alluvions caillouteuses, dont les plus anciennes, à l'altitude de 180 à 220 mètres, proviennent des cours d'eau descendant de l'Atlas. C'est en grande partie au remaniement de ces cailloutis par des torrents locaux qu'est due la formation des terrasses caillouteuses des niveaux inférieurs. La formation des dunes s'est prolongée sur ces rivages jusqu'à l'époque actuelle»
In Lignes de rivages du sahel d’Alger, générale de Lamothe, 1911 :
« La surface du Sahel est recouverte sur de vastes étendues par des amas de grès et de sables fins plus ou moins agglutinés par un ciment calcaire et dont l'origine est en général subaérienne , le plus souvent même nettement éolienne . Ces dépôts ont été, il y a longtemps déjà, signalés par Ville et Mares sous le nom de grès à Hélix. »
« En Algérie, les dunes, surtout au voisinage de la côte, sont un lieu de prédilection pour certaines espèces d'Hélix et de Stenogyra ; elles y pullulent et aux approches de l'été, les coquilles mortes dont le test est presque toujours d'un blanc éclatant, couvrent le sol en si grand nombre, principalement sous les arbrisseaux, que leur groupement donne de loin l'illusion de taches de neige. La cimentation des sables se produit journellement sous nos yeux. Sur le littoral, près de Philippeville, Renou a constaté l'existence de grès renfermant des poteries romaines. Sur le plateau de la Trappe, j'ai observé, sur des sables provenant de la décomposition de grès anciens, des traces d'une nouvelle cimentation. » Fin.
In Mares, Bourguignat, paléontologie des coquilles terrestres et fluviatiles, 1862 :
« M. Ville a nommé le terrain dont nous nous occupons grès à Hélix; nous lui avions donné le même nom dans nos notes, sans savoir qu'il le possédait déjà. Cette dénomination nous paraît convenir parfaitement à l'aspect général de ce dépôt. »
]« Des relèvements assez réguliers, parfois très -escarpés, dominent la mer sur toute la ligne que nous étudions. Sur cette côte ainsi disposée s'étend presque partout, comme un manteau, comme une sorte de carapace, un dépôt particulier formé d'un sable toujours calcaire, plus ou moins agrégé, quelquefois très-dur et très compacte, contenant des Hélices et des Bulimes en grand nombre. »
« A Tipaza, les carrières romaines sont ouvertes dans ce grès, ainsi qu'à Guyotville, où il n'atteint pas moins de 10 à 12 mètres. Sa puissance moyenne n'est pas toujours aussi considérable et se réduit souvent à 1 ou 2 mètres. Toutes les fois qu'on étudie les coupes du grès à Helix sur le bord immédiat de la mer, l'on trouve à sa base les Helix mélangés avec des coquilles marines actuelles; souvent ces dernières restent seules. »
In Bourjot, géogénie du massif d’Alger, 1879 :
« La mer ne forme des dunes que lorsque son rivage se prolonge par des talus très-doux. Si le fond s'accentue vite, si la falaise est abrupte, si la bande littorale est étroite, il ne peut pas se faire d'amas de sables fins qui seront poussés par le vent vers la terre. Tous ces matériaux sont arrêtés par le relief du sol d'un rivage relevé droit. Quand la dune est ancienne, ses éléments : parties sableuses et fragments de coquilles brisées se concrètionnent en un grès à pâte fine, très-souvent caverneux, lequel peut acquérir une assez grande puissance par accumulation séculaire.L'étendue de ce genre de formation vers l'intérieur des terres, indique les retraites successives de la mer, et quand elle se prolonge sous les eaux comme à la carrière dite Carrière romaine, de Guyot-ville, c'est une indication qu'il y a eu un affaissement du rivage et que celui-ci se continuait beaucoup au large, puis s'est abîmé. Ce grès des dunes peut contenir des fragments de coquilles terrestres comme des hélices roulées par le vent de terre, même des ossements d'animaux charriés par les eaux pluviales. »
Je vous propose une balade avec un sujet qui met en relation les gastéropodes terrestres et la géologie du quaternaire.
Méthode : repérage du site, photos et lectures de document. En parcourant les anciennes publications (comme celles de Ville, Mares, Bourjot, Lamothe…), sur la géologie du sahel d’Alger et ses environs, il y’a une formation géologique quaternaire qui revient assez souvent au nom caractéristique : « grès à Hélix de Ville ».
D’après mes quelques lectures il s’agit de Grès d’origine éolienne ou sub aérienne qui correspondent à d’anciennes dunes quaternaires (pléistocène, q3cD) consolidées en grès parfois friables mais parfois aussi très dures au point que les romains s’en servait comme pierre à bâtir (exemple des carrières romaines, ruines de Tipaza). Ces grès, dunes de plages consolidées, contiennent en certains endroits une grande quantité de coquilles fossiles de gastropodes terrestres surtout des Hélix. Ces derniers existent toujours à l’époque actuelle. Il y’a aussi des grés sans Hélix. On peut parfois trouver des coquilles marines incluses dans ces grès surtout à la partie inférieure mais cela ne remet pas en cause l’origine éolienne de ces grès à Hélix d’après les géologues.
Cette formation géologique se trouve à des altitudes variables sur le sahel jusqu’à 100m et qui s’est constituée au fur et à mesure du retrait de la mer au Quaternaire. On peut l’observer le long de la côte algérienne et tunisienne et sur le pourtour de la méditerranée. Elle est souvent recouverte par une autre formation plus récente caractéristique continentale, alluviale, faite de sable argileux rouge qui peut contenir des Hélix mais jamais de coquilles marines : « le diluvium rouge. »
On a découvert dans ces grès des os fossiles d’éléphant ainsi que des restes de l’industrie lithique de l’homme.
J’ai repéré, pendant les vacances d’été, à Bou Haroune, à l’ouest d’Alger, juste en bordure de l’ancienne route qui suit la côte, des formations gréseuses stratifiées jaunâtres contenant des coquilles fossiles d’Hélix et qui correspondent à la description des grés à hélix. L’épaisseur de ces grès à cet endroit fait peut-être 60 mètres et on voit ces grès à Helix plonger vers la mer. Ces dunes consolidées à Helix se sont donc déposées à une époque ou le niveau de la mer était en retrait par rapport au niveau actuel. Les coquilles sont visibles dans certaines parties de la paroi de grès, d’autres parties en sont dépourvues. Parfois elles sont disposées en lits suivant la stratification, en générale oblique. L’érosion a fortement attaqué ces grès créant des cavités. Le sable qui provient de leur désagrégation s’accumule aussi bien dans les anfractuosités qu’en bas de la paroi. Bien entendu, j’ai vérifié sur la paroi que les coquilles sont bien fossiles, c’est-à-dire incluses dans les grès, et non pas des coquilles actuelles vivantes qui passent l’été accolées sur ces grès à coté de leurs lointaines cousines !
Quelques extraits : In Pouget : Agrologie du sahel, 1930 :
« Durant les diverses phases du Pliocène récent et du Pléistocène, le rivage maritime se rapproche du rivage actuel, par une suite d'abaissements graduels du niveau de base, donnant lieu à une succession de terrasses échelonnées en gradins. A chacune des phases du retrait, au nombre de cinq, correspondent des formations de dunes plus ou moins consolidées en grès à hélix. En même temps s'accumulent des alluvions caillouteuses, dont les plus anciennes, à l'altitude de 180 à 220 mètres, proviennent des cours d'eau descendant de l'Atlas. C'est en grande partie au remaniement de ces cailloutis par des torrents locaux qu'est due la formation des terrasses caillouteuses des niveaux inférieurs. La formation des dunes s'est prolongée sur ces rivages jusqu'à l'époque actuelle»
In Lignes de rivages du sahel d’Alger, générale de Lamothe, 1911 :
« La surface du Sahel est recouverte sur de vastes étendues par des amas de grès et de sables fins plus ou moins agglutinés par un ciment calcaire et dont l'origine est en général subaérienne , le plus souvent même nettement éolienne . Ces dépôts ont été, il y a longtemps déjà, signalés par Ville et Mares sous le nom de grès à Hélix. »
« En Algérie, les dunes, surtout au voisinage de la côte, sont un lieu de prédilection pour certaines espèces d'Hélix et de Stenogyra ; elles y pullulent et aux approches de l'été, les coquilles mortes dont le test est presque toujours d'un blanc éclatant, couvrent le sol en si grand nombre, principalement sous les arbrisseaux, que leur groupement donne de loin l'illusion de taches de neige. La cimentation des sables se produit journellement sous nos yeux. Sur le littoral, près de Philippeville, Renou a constaté l'existence de grès renfermant des poteries romaines. Sur le plateau de la Trappe, j'ai observé, sur des sables provenant de la décomposition de grès anciens, des traces d'une nouvelle cimentation. » Fin.
In Mares, Bourguignat, paléontologie des coquilles terrestres et fluviatiles, 1862 :
« M. Ville a nommé le terrain dont nous nous occupons grès à Hélix; nous lui avions donné le même nom dans nos notes, sans savoir qu'il le possédait déjà. Cette dénomination nous paraît convenir parfaitement à l'aspect général de ce dépôt. »
]« Des relèvements assez réguliers, parfois très -escarpés, dominent la mer sur toute la ligne que nous étudions. Sur cette côte ainsi disposée s'étend presque partout, comme un manteau, comme une sorte de carapace, un dépôt particulier formé d'un sable toujours calcaire, plus ou moins agrégé, quelquefois très-dur et très compacte, contenant des Hélices et des Bulimes en grand nombre. »
« A Tipaza, les carrières romaines sont ouvertes dans ce grès, ainsi qu'à Guyotville, où il n'atteint pas moins de 10 à 12 mètres. Sa puissance moyenne n'est pas toujours aussi considérable et se réduit souvent à 1 ou 2 mètres. Toutes les fois qu'on étudie les coupes du grès à Helix sur le bord immédiat de la mer, l'on trouve à sa base les Helix mélangés avec des coquilles marines actuelles; souvent ces dernières restent seules. »
In Bourjot, géogénie du massif d’Alger, 1879 :
« La mer ne forme des dunes que lorsque son rivage se prolonge par des talus très-doux. Si le fond s'accentue vite, si la falaise est abrupte, si la bande littorale est étroite, il ne peut pas se faire d'amas de sables fins qui seront poussés par le vent vers la terre. Tous ces matériaux sont arrêtés par le relief du sol d'un rivage relevé droit. Quand la dune est ancienne, ses éléments : parties sableuses et fragments de coquilles brisées se concrètionnent en un grès à pâte fine, très-souvent caverneux, lequel peut acquérir une assez grande puissance par accumulation séculaire.L'étendue de ce genre de formation vers l'intérieur des terres, indique les retraites successives de la mer, et quand elle se prolonge sous les eaux comme à la carrière dite Carrière romaine, de Guyot-ville, c'est une indication qu'il y a eu un affaissement du rivage et que celui-ci se continuait beaucoup au large, puis s'est abîmé. Ce grès des dunes peut contenir des fragments de coquilles terrestres comme des hélices roulées par le vent de terre, même des ossements d'animaux charriés par les eaux pluviales. »
Re: Les "Grés à Helix de Ville" du sahel d'Alger.
Ven 11 Nov 2016 - 16:24
merci babouche! très intéressant tout ça!
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''Point n'est besoin d' espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer''
Guillaume Ier d'Orange-Nassau.
Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement - Et les mots pour le dire arrivent aisément.
- Phil-HelixAdministrateur
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Localisation : France, Nord
Re: Les "Grés à Helix de Ville" du sahel d'Alger.
Ven 11 Nov 2016 - 17:52
Sympathique reportage.
Merci de partager avec nous ces observations.
Merci de partager avec nous ces observations.
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Une identification n'est valable que jusqu'à preuve du contraire. Et souvent il faut attendre mieux.
- ramses1004Administrateur
- Messages : 6550
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Localisation : Haute-Marne
Re: Les "Grés à Helix de Ville" du sahel d'Alger.
Ven 11 Nov 2016 - 18:02
Très intéressant.
Par contre quand on voit la photo n°2, il faut bien faire attention au risque d'éboulement.
Par contre quand on voit la photo n°2, il faut bien faire attention au risque d'éboulement.
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David
- BathollovienAccro
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Date d'inscription : 30/11/2013
Age : 28
Localisation : Paris
Re: Les "Grés à Helix de Ville" du sahel d'Alger.
Ven 11 Nov 2016 - 18:31
Super reportage qui montre le potentiel d'étude paléoenvironnementale de ces dépôts à travers les malacofaunes ! Si tu échantillonnes je te conseille de ne pas hésiter à prélever du sédiment en différents endroit de la coupe et de le tamiser
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Malacologiquement vôtre
Quentin
- UnioExpert
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Re: Les "Grés à Helix de Ville" du sahel d'Alger.
Ven 11 Nov 2016 - 19:03
Merci babouche pour cet article vraiment très intéressant et bien documenté.
- vmariModérateur
- Messages : 2898
Date d'inscription : 11/05/2015
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Localisation : Rhône
Re: Les "Grés à Helix de Ville" du sahel d'Alger.
Ven 11 Nov 2016 - 19:19
Bonjour Babouche
Merci pour ce super reportage plein de soleil
Victor
Merci pour ce super reportage plein de soleil
Victor
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